Université, Danse et Territoire, Intervention de Marina Nordera

Université, Danse et Territoire, Intervention de Marina Nordera


© Eberhard Grossgast

Débat de Nice 23/11/15

Marina Nordera, Professeur en danse, responsable pédagogique de la section Danse de l’université de Nice Sophia Antipolis et membre du Centre Transdisciplinaire d’Epistémologie de la Littérature et des Arts Vivants (EA 6307)

La Section Danse est une structure d’enseignement et recherche constituée depuis 1992 au sein de l’Université de Nice Sophia Antipolis qui propose aujourd’hui des formations de Licence, Master et Doctorat en danse.

Plus d’infos sur l’Université : http://danse.revues.org / http://portail.unice.fr

Bien que la Section Danse, depuis son origine, soit inscrite dans le territoire local (collaborations pédagogiques avec les professionnels et partenariats avec les institutions culturelles et écoles supérieures d’arts), le recrutement des étudiants se fait sur le plan national et international. Il y a donc interaction entre l’enracinement des formations dans le territoire local et le rayonnement national et international. Les étudiants, à la fin de leurs études, peuvent repartir ailleurs pour s’insérer dans le monde du travail. Les frontières du « territoire » de la Section danse sont donc percées par ces arrivées et départs.

La terminologie universitaire, tout comme celle de la danse, est marquée par les métaphores de l’espace et du territoire : on parle par exemple de «champs d’études», de «terrain de recherche», ou de «séminaires». Le mot séminaire vient de seminarium : le lieu protégé où l’on va semer des graines, où elles germeront à l’abri pour être planter ailleurs par la suite.

Le mot «chorégraphie» dans sa signification originaire au XVIIIe siècle indiquait l’action (et le métier) de mettre par écrit le geste dansé avec des signes. Le chorégraphe «couchait sur le papier», dans l’espace horizontal et confiné de la page, la complexité, la verticalité et l’organicité du corps. Une autre figure professionnelle, celle du «compositeur de danses» recouvrait les caractéristiques du métier du chorégraphe comme nous le concevons généralement aujourd’hui. Dans sa signification originaire la «chorégraphie» comporte une phase nécessaire d’observation, de réflexion et de production de signes. Une activité qui s’apparente au geste de sillonner la terre. Chorégraphes Associés peut interroger le terme de chorégraphe en ce sens, repousser les frontières de ce métier, circonscrire (ou pas) la limite qui constitue le territoire de son activité.

Il semblerait nécessaire d’ouvrir davantage les frontières disciplinaires, entre les arts et entre les métiers. Chorégraphes et chercheurs entrent de plus en plus les uns dans les territoire des autres : les premiers à la recherche d’outils de réflexion pour définir, comprendre et faire évoluer leurs activités ; les autres intéressés à l’étude des processus artistiques à l’œuvre dans la chorégraphie en train de se faire.

Une dernière considération par rapport aux évènements récents du 13 novembre. Un mot circule dans nos discours : sidération. Il indique un état d’impuissance – y compris du corps – à agir, en réaction à un traumatisme psychique majeur. Le sujet sidéré (sous l’influence des sidera, les astres, dans l’antiquité) ne peut plus se mouvoir, ni ébaucher un geste pour se défendre. Il reste confiné dans son territoire, il ferme les frontières. Plus que jamais dans ces jours-ci il semble nécessaire de retrouver le pouvoir d’agir (agency) à partir du corps en mouvement, de la circulation des personnes et des idées dans un espace libre et un territoire partagé.