Nice 2019//Compte rendu du débat sur les ateliers EAC

Nice 2019//Compte rendu du débat sur les ateliers EAC


Jeudi 25 avril 2019 à Nice
De l’appel à projet à sa réalisation: quelles améliorations?
Examen de cas concrets

En collaboration avec la Compagnie Antipodes – Lisie Philip

Avec cette rencontre, nous amorçons une réflexion concernant la participation des créateurs à l’élaboration de projets artistiques sur des territoires.
Nous prenons appui sur des dispositifs existants ou en cours dans la région Sud (PACA).
La rencontre s’organise en trois temps :
Examen du projet d’origine via l’appel à projet, puis analyse du projet tel que conçu par l’artiste, et pour finir le projet tel qu’il a été possible de le réaliser.

L’objectif final de cette rencontre est de mettre en lumière comment les artistes
pourraient concevoir et mettre en œuvre des projets en synergie avec les institutions, et d’avoir des outils pour les rencontrer.

Invités :
Lisie Philip, Cie Antipodes, projet dans les Hautes Alpes en partenariat avec le Théâtre du Briançonnais
Miguel Nosibor, Cie En Phase – projet Tous en Bal à Aubagne
Abdoulaye Trésor Konate, Cie ATeKa, projet 100% EAC à Cannes sur l’année 2017/18


présents : Lisie Philip – chorégraphe, Miguel Nosibor – chorégraphe, Abdoulaye Trésor Konate – chorégraphe, Laurence Marthouret – chorégraphe, Micheline Lelièvre – chorégraphe et présidente de Chorégraphes Associé.e.s, Graziella Bouchet – chorégraphe, Emilie Garcia, médiatrice spectacle vivant, programmatrice jeune public, à la Mairie de Cannes – direction de la Culture, Isabelle Magnin – chorégraphe et membre du CA de Chorégraphes Associé.e.s, Julie Trouverie, chargée de la communication Chorégraphes associé.e.s


Introduction et Présentation du syndicat par Micheline Lelièvre

Présentation par Lisie du lieu studio Antipodes au 109
C’est un lieu d’échange, de partage, de rencontres, de bouillonnement avec
– Accueil de mise à disposition pour des temps de résidences des compagnies
– Ateliers avec des amateurs autour de l’improvisation
– Lieu de création et de répétition de la cie antipodes
– Entraînement régulier du danseur
– Programmation danse
La compagnie Antipodes ambitionne de faire partie d’un Réseau de lieu de diffusion de Rue en 2020.

Laurence Marthouret, autre chorégraphe présente au 109, travaille dans l’espace l’Entre-Pont, qu’elle nous présente également : lieu pluridisciplinaire pour la création contemporaine : théâtre, danse, cirque, arts de la rue, arts numériques en lien avec le spectacle vivant. C’est un espace de travail et partage du lieu avec un appel en résidence avec une petite enveloppe financière.


1. INTRODUCTION

• Présentation du projet de la rencontre par Micheline Lelièvre
Cette rencontre est née du constat récurrent que de nombreux appels à projets nous sont proposés, à nous, chorégraphes, par des institutions diverses et que ces projets ne sont pas toujours adaptés à ce que notre travail met en jeu..
Il y a le point de vue économique : les sommes afférentes ne sont pas toujours en adéquation avec le travail et les frais engagés. Ceci laisse d’ailleurs peut-être planer l’idée d’une méconnaissance partielle de ce qu’implique notre travail.
Il y a donc aussi l’aspect artistique : comment nous œuvrons, quel temps de préparation, de réflexion, de conception puis de bilan. Est-ce que cela est pris en compte ? Est-ce quantifiable en temps, en argent ? A l’aide d’études de cas nous allons voir si des préconisations sont possibles qui amélioreraient ces propositions.

• Choix des invités par Isabelle Magnin
Trois créateurs, trois relations à l’Institution porteuse du projet, trois réalités territoriales différentes : voilà le choix fait pour les invités de cette rencontre.
Du hip hop à la danse contemporaine en passant par l’afro jazz.
D’un territoire de montagne peu peuplé à une ville connue et dont la plus grosse ligne budgétaire est celle de la culture, en passant par une ville active d’un point de vue social et culturel depuis fort longtemps
Il s’agit ici de permettre une exploration élargie, afin de repérer les failles en l’état, d’analyser les dynamiques de la mise en œuvre de ces projets.
Un dialogue entre politiques, institutions et créateurs pourrait-il ouvrir des perspectives?
Nous souhaitions établir quelques préconisations indispensables pour les futurs projets impliquant chorégraphes et territoires.

Miguel Nosibor, Cie En Phase – Aubagne (13)
Abdoulaye Trésor Konaté, Cie ATeKa – Strasbourg avec une action à Cannes
Lisie Philip – Cie Antipodes pour un projet dans les Hautes Alpes


2. ANALYSE DE L’APPEL À PROJET TÉMOIN

Nous sommes partis d’un appel à projet témoin, reçu par les membres de Chorégraphes Associé.e.s. Il a été décidé de le rendre anonyme.
Suite à un travail d’analyse, le syndicat a pu établir un budget type, qui est la base de la réflexion et de l’échange. Ce document est distribué aux participants et il se trouve annexe en PJ du compte rendu.

Analyse du budget – proposition
L’Axe fort de l’appel à projet est le choix d’un créateur : donc son acte de création est lié à son acte de transmission. C’est un créateur – artiste et pas intervenant.

Notes :
1. Le temps d’évaluation final n’est jamais comptabilisé dans le budget (là non plus nous ne l’avons pas compté- erreur de notre part) et c’est indispensable de le prendre en compte.
2. La notion de droits d’auteurs du budget sont pour préciser non liés à la diffusion et donc à la SACD, et à considérer comme un salaire.
3. Au vu de l’enveloppe budgétaire, il n’est pas précisé s’il est possible de trouver des coproducteurs sur le projet ou co-financeurs.


3. PARTAGE D’ESPERIENCES DE CHOREGRAPHES

Expérience Abdoulaye Trésor Konaté
Son projet comprend des ateliers EAC pour 200 élèves sur la ville de Cannes, dont c’était la première édition.
Le projet EAC était lié à une période de résidence (deux semaines non consécutives).
Le siège de sa compagnie est à Strasbourg.
Le budget global proposé par la ville était de 10 000€.

Abdoulaye nous explique que le projet a débuté avec un stage spécifique pour l’équipe pédagogique. La transmission se fait autour autour de son solo. Son équipe est composée par 1 régisseur, 1 regard extérieur, 1 musicien, 1 chorégraphe danseur, soit 4 personnes.
Pour sa première session, il y a une présence longue de 1 mois, qui correspond à une véritable immersion.

Le projet a permis un partenariat avec l’école de danse Rosella Hightower : repas et hébergement pris en charge dans la période d’immersion. Par contre, cela était plus complexe pendant les temps de résidence : l’équipe était logée à l’hôtel Ibis.
Pour exemple : il y a eu à envisager un transport de scénographie, une jarre de 33 litres, qui a rajouté de la complexité et des frais : 120€ de taxi entre le lieu d’hébergement et l’aéroport.
Il pose la question de la valorisation de l’EAC. Il pointe le fait qu’il n’y ait eu qu’une seule de date de présentation dans le théâtre.
Ensuite, il nous explique que le temps du projet n’était pas calqué sur l’année scolaire ce qui a provoqué un changement de taille du groupe : il est passé de 230 élèves à un groupe de 15 personnes pour la présentation du travail. Son projet était d’avril à octobre 2018.

Un des liens positifs est le tissage de liens sur le long terme et la construction de future collaboration avec Brigitte Lefèvre, pour le festival de danse de Cannes.
Sur le rendu de la présentation, il y a eu bon relais au niveau de la presse locale et nationale : Nice Matin, Télérama, TF1, etc.
Il fait le constat que la fin de la résidence était plus complexe. La compagnie a dû beaucoup s’engager humainement et financièrement dans ce projet, mais tout ceci dans l’espoir de construire pour le futur. Il y a eu un beau rayonnement du projet par la suite avec un suivi et rencontre entre le Conservatoire de Charleville et l’école de Rosella Hightower.

 

Expérience Miguel Nosibor
Nous avons proposé à Miguel de présenter le projet Tous en Bal : un projet d’atelier participatif qui débouche sur un grand bal hip-hop qui se déroule lors du festival Impulsion, géré par sa compagnie. Il défend un axe important de danseur et chorégraphe et travaille via la structure de sa compagnie, En Phase, pour poser ses projets déployés sur le territoire, avec une attention particulière au public « empêché » et en milieu scolaire.
Issu de la génération des premiers danseurs hip hop, son travail est constitué par un aller et retour permanent entre création et transmission.

Son partenaire financier qui permet la mise en œuvre du projet est le Fonds de dotation Chœur à l’ouvrage, pour un financement à hauteur de 20 000€ sur une année civile. Ce financement permet la tenue de 2 ateliers par mois, sur toute l’année et la prise en charge de frais relatifs à la restitution. Danseurs professionnels et amateurs se côtoient, des rencontres en amont pour préparer l’événement : réception de public avec petit déjeuner convivial, laboratoire chorégraphique ludique avec des danseurs de la compagnie. Cela constitue un public régulier d’environ 80 personnes et 350 personnes lors de la première restitution. Pour mener à bien son projet, il a décidé de s’entourer d’un coordinateur de projet et d’une administratrice, qui l’accompagnent afin qu’il puisse conserver son rôle de directeur artistique sur le terrain.
Au début de sa compagnie, avec son administratrice, il a fait le choix de beaucoup s’investir dans la transmission et d’engranger ainsi des ressources. Il reconnaît ne pas être malheureusement payé à la hauteur de son engagement et de son travail. Les crédits des ateliers pédagogiques sont une ressource pour les créations et l’artistique.

Pour le festival Impulsion, le budget estimé est de l’ordre de 120 000€, cette troisième édition est réalisée avec un budget de 90 000€ (subvention et autres). Le festival fonctionne grâce à beaucoup de bonne volonté et de bénévoles. Dans son rapport avec le public et la compagnie, il met en place des moments d’échange et de rencontre avec une volonté de transparence. Il a choisi de répondre aux appels à projets qui sont au plus proches de la réalité de la compagnie et de ne pas dévoyer son projet artistique pour rentrer dans l’appel à projet. Enfin il défend un travail en collaboration dans les montages de projet avec les différents partenaires.

 

Expérience Lisie Philip
Elle n’a jamais fait d’appel à projets.
Elle fait des projets pédagogiques depuis 2000 car elle a été appelée en direct par des enseignants (écoles, collèges, lycées …)

Elle partage avec nous son expérience avec le théâtre de Briançonnais. Un des axes de la compagnie est la danse dans l’espace public ou des espaces atypiques. Le directeur du Théâtre lui passe commande d’un spectacle de danse qui doit aboutir en décembre. Le projet ne pouvant être prévu en extérieur, au vu des conditions climatiques, c’est un peu compliqué. Le directeur donne carte blanche à Lisie pour lui proposer son projet. Au vu des conditions budgétaires beaucoup trop restreintes, il évolue et devient une Vidéo danse. Pendant 3 mois, chorégraphe et vidéaste passent 2 jours par mois sur place pour filmer la matière des ateliers. Ensuite il y aura tout un temps de travail d’écriture, traitement, montage, etc. La thématique choisie est trans-générationnelle. Lisie avait pour thème la mémoire. Elle a travaillé avec des enfants, des personnes âgées en EPAD, et des groupes d’habitants de la ville.
Même sur la vidéo (et en particulier sur le montage), la compagnie a tenu que le budget soit respecté, ce ne fut pas facile, mais l’équipe administrative du théâtre du Briançonnais a entendu et compris cette condition

Par la suite, Lisie a continué ses actions pédagogiques dans l’académie de Nice. Elle a été appelée par la chargée de mission danse de l’Éducation Nationale, pour une résidence d’artiste en collaboration avec la Scène 55. Ce qui correspondait en fait à des ateliers pédagogiques. Elle avait deux classes de 4e : 9h par classe pendant 3 mois, soit 3H par mois. Elle explique que le rapport avec l’équipe pédagogique est important et que celle-ci doit s’impliquer dans le travail.
Elle a senti le projet mal parti mais qui se termine bien au final avec une adhésion totale des élèves et des enseignants.


4. REFLEXIONS GENERALES ET PRECONISATION

La Sacd doit pouvoir être capable d’accepter le dépôt de ce travail de transmission et des processus de création de ces œuvres et pas uniquement l’œuvre en tant que telle. La Sacd est au service des auteurs et il faut qu’elle fasse des efforts pour répondre à leurs besoins.

– La problématique temps de travail et temps de transport est un élément à ne pas négliger autant pour l’équipe qui fait l’appel à projet, que pour la structure qui fait le choix de l’artiste (artiste hors de la région), de même pour la mise en place des ateliers …

Envisager le travail d’ateliers avec les enfants pas uniquement comme un temps de pratique de danse mais aussi essayer d’autres aspects (technique, écriture, dessin, etc) Ne pas oublier que les enfants n’ont pas choisi de faire ses ateliers, donc comment fait-on sur des temps en immersion, construire ensemble faire des propositions autres ?

Emilie Garcia – pour la Ville de Cannes
L’appel à projet 2019/2020 de la Mairie de Cannes est en cours de rédaction. Ce sera la troisième édition de la résidence de transmission avec un chorégraphe financée par la DRAC PACA.

La ville de Cannes a été une pionnière dans l’expérimentation du 100% EAC. Son travail en matière d’éducation artistique et culturelle lui a valu l’obtention du conventionnement d’intérêt national Scène « Art, enfance, jeunesse ».

Elle revendique un travail de valorisation de l’œuvre artistique et de co-construction du projet de résidence avec les équipes pédagogiques (chef d’établissement et enseignants).
Elle partage le fait que qu’il n’y a pas obligation que tous les enfants de l’établissement scolaire participent à des ateliers de pratique ; mais que chaque classe et les enseignants intéressés puissent valoriser la présence de l’artiste en créant des liens avec les disciplines pédagogiques et les apprentissages. Le projet artistique doit rayonner sur l’ensemble des élèves et sur la vie de l’établissement.

PRECONISATIONS

– Notifier sur l’appel à projet les contraintes économiques du versement de la subvention (si c’est en deux années consécutives- deux exercices comptables par exemple)
– insister sur la notion d’artistes et non d’intervenant
– prévoir la directeur.trice de l’école, comme membre du comité de sélection de jury de l’équipe artistique
– le projet co-construit entre les partenaires
pas de saupoudrage, mais recentrer sur une école
– prévoir que la restitution soit valorisée et qu’une trace soit gardée dans les archives de la ville
– alerter sur l’implication de l’équipe scolaire
– être attentif sur le rapport temps / enveloppe financière dans un cadre égalitaire
ne pas être dans la consommation des ateliers de danse
être vigilant sur les frais annexes
– prévoir une date de diffusion du répertoire de la compagnie sur le territoire à définir à N ou N+1 suivant les problématiques de chacun.

La rencontre s’est clôturée vers 17h.


DOCUMENTS ANNEXES

Budget de l’appel à projet témoin PDF

Compte Rendu de la rencontre PDF