Mesdames, Messieurs les député·es,
Vous considérez certainement l’art et la culture comme des sources d’émerveillement, d’émotion, de réflexions indispensables au quotidien, et sans doute ne pouvez-vous envisager votre vie sans le bonheur de la lecture, sans le plaisir d’aller au cinéma, d’assister à un spectacle, à un concert ou de visiter une exposition.
Vous admirez peut-être le travail des artistes et des auteur·ices à l’origine de ces œuvres, sans imaginer à quel point, ils et elles sont exposé·es aux risques socio-économiques, faute d’une protection sociale complète.
Contrairement aux professions salariées, la création artistique est totalement décorrélée d’une notion de durée de temps de travail et sa rémunération, très souvent, n’est pas immédiate. Alors que créer nécessite beaucoup de temps, de recherches, d’essais, de reprises… Ce n’est qu’une fois l’œuvre achevée, qu’ils·elles pourront être amené·es à percevoir des revenus, déterminés par le diffuseur en fonction de la vente ou de l’exploitation de celle-ci. Car si la législation sur droit d’auteur protège bien l’œuvre, elle ne protège pas l’artiste-auteur·ice en tant que travailleur·se.
De cette absence de corrélation entre travail et rémunération découle une forte imprévisibilité quant aux revenus à venir, et des versements nécessairement irréguliers, sans lien avec le travail engagé par les artistes-auteur·ices.
Cette précarité impacte fortement leur vie personnelle et leurs capacités de création. Cette incertitude économique n’est cependant pas une fatalité inhérente à leur condition, mais la conséquence d’un déficit de droits sociaux.
Depuis le milieu des années 70, le régime de protection sociale des artistes-auteur·ices est adossé au régime général de la sécurité sociale. Les artistes-auteur·ices ont les mêmes droits que les salarié·es du privé en matière de santé, de retraite et de prestations familiales – leurs revenus étant assimilés à des salaires.
Cette couverture sociale demeure cependant incomplète au regard de leurs emplois précaires et discontinus, comme le souligne d’ailleurs le Parlement européen, qui dans sa résolution du 21 novembre 2023 alerte sur les droits des artistes-auteur·ices, indiquant qu’ils·elles devraient comme tous·tes travailleur·euses bénéficier « du droit à un salaire minimum, à des congés payés et aux prestations de chômage ».
D’autant que ce travail de création, qui nourrit la vie intellectuelle et culturelle de notre pays, génère une activité économique conséquente et de nombreux emplois salariés. (Environ 90 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 720 700 emplois, selon l’analyse conjoncturelle du chiffre d’affaires de la culture au quatrième trimestre 2022).
L’activité des artistes-auteur·ices fait vivre les secteurs de la musique, de l’art contemporain, de l’édition, du design, de la photographie ou du cinéma. Elle influe aussi fortement sur le chiffre d’affaires de certains secteurs non rattachés directement à la Culture, comme celui du tourisme.
Une tribune parue dans Le Monde du 25 mars pour soutenir la proposition de loi transpartisane n° 2322 portant sur « L’instauration d’un revenu de remplacement pour les artistes-auteurs temporairement privés de ressources », a recueilli en quelques jours plus de 15 000 signatures d’artistes-auteur·ices de toutes les disciplines.
Parmi les signataires : Pénélope Bagieu (dessinatrice de bandes dessinées), Lucas Belvaux (réalisateur), Philippe Faucon (réalisateur et producteur), Julie Gayet (actrice et productrice), Arthur Harari (cinéaste), Agnès Jaoui (actrice et cinéaste), Ange Leccia (artiste plasticien), Nicolas Mathieu (écrivain), Catherine Meurisse (illustratrice et dessinatrice), Gérard Mordillat (cinéaste et écrivain), Bruno Podalydès, Madeleine Riffaud (écrivaine et journaliste), Usul (vidéaste), Jean-Luc Verna (artiste plasticien), Gisèle Vienne (chorégraphe et metteuse en scène), et beaucoup d’autres artistes de renoms, solidaires de leurs collègues.
(https://continuite-revenus.fr/tribune).
Cette loi indispensable ferait entrer les artistes artistes-auteur·ices dans la caisse commune de l’assurance chômage à partir de 300 heures smic déclarées sur les 12 derniers mois.
Nous préconisons une augmentation des cotisations payées par les diffuseurs à hauteur de 4,05 %, correspondant à la part « employeurs » de contribution au régime d’assurance chômage. Leur taux de cotisation passerait ainsi de 1,1 % à 5,15 % – les artistes-auteur·ices s’acquittant déjà d’une part salariale de la contribution chômage via la CSG.
Cette loi permettrait aux artistes-auteur·ices de sortir les de la précarité et de ce fait, d’instaurer un rapport plus égalitaire avec les diffuseurs et les commanditaires.
Ils·elles n’auront plus à choisir entre une vie de famille ou la poursuite de leur carrière et pourront envisager plus sereinement des situations de la vie courante jusqu’alors très compliquées pour eux (location, emprunts bancaires, etc.).
La sécurisation des conditions de travail des artistes-auteur·ices est essentielle pour que continuent d’éclore des talents de tous âges et de toutes conditions sociales, qui font la richesse de la vie culturelle de notre pays.
Cette mesure est d’autant plus essentielle à l’heure où le recours à l’intelligence artificielle fait peser une menace sur l’activité des artistes-auteur·ices.
Vous pouvez encore soutenir et signer la proposition de loi transpartisane n° 2322, qui constitue une mesure majeure de progrès social.
Nous vous en remercions vivement par avance. Nous nous tenons à votre disposition pour vous rencontrer et vous apporter de plus amples informations sur cette proposition de loi ou sur les conditions de rémunérations des artistes-auteur·ices.
Nous vous prions d’agréer, Madame la députée, Monsieur le député, l’expression de nos sentiments respectueux.