A vous chères Institutions et à vous aussi chorégraphes, toutes générations confondues

A vous chères Institutions et à vous aussi chorégraphes, toutes générations confondues


© Nicola Fioravanti

J’embraye sur le billet d’humeur de Micheline Lelièvre, chorégraphe de son état, que nous sommes plusieurs à avoir signé. Il y est question de notre invisibilité institutionnelle, nous qui avons déjà fait un long chemin de danse…

Nous sommes quatre générations de chorégraphes à œuvrer aujourd’hui, une vraie mutation dans la pensée sur le corps, le mouvement et la place de la danse dans notre société.
Dans cette chaîne, nous semblons transparent.e.s pour l’institution.

Sommes-nous pour eux trop usé.e.s? Moi, je me considère comme archi-vivante et durable !
Cette longévité professionnelle me semble plutôt un signe de renouveau et de fécondité.
Une telle vivacité artistique en France, ce ne serait pas une fierté ?
Nous voilà de fait invisibles, exclu.e.s… Phénomène d’obsolescence programmée, ici aussi ?

Face à l’impasse d’aujourd’hui, n’est-il pas temps de nous réinventer et de Faire Corps ?
Il paraît, dit-on partout, que nous devons travailler plus longtemps. En faisant quoi ?
Aux penseurs, auteur.trice.s littéraires, compositeur.trice.s, chercheur.se.s aussi, mettons-nous de telles limites ?
Mais dans le monde du mouvement : chorégraphes, circassien.ne.s, auteur.trice.s dans l’espace public, ce n’est pas comme ça! On doit vieillir en s’écartant, en se rabougrissant en pensées et dans le corps.
Et cependant, notre acte créateur porte un bagage riche des courants que nous avons traversés.
Ces trente dernières années, le brassage des esthétiques a nourri la danse.
Celui des générations de créateur.trice.s porte les mêmes potentialités : des approches différentes, en lien avec les strates d’expériences traversées en amont de chaque nouveau geste mis en œuvre.

Au-delà de la performance, des styles, de l’époque, les chorégraphes « durables » font émerger la force fédératrice de la danse, son côté pérenne, son pouvoir de résilience. Ils font aussi sauter l’interdit de l’âge et de la perfection du corps pour mettre l’accent sur l’humain.
Par leur action, elles et ils renvoient à la vitalité de la danse dans son ensemble. Ils sont un socle et une mémoire pour les nouvelles générations.

Il serait temps que les chorégraphes dans leur ensemble soient visibles aux yeux de l’institution comme le sont les autres auteur.trice.s.
C’est une réalité du 21e siècle : on danse et on invente la danse jusqu’au bout !
Les critères d’évaluation des institutions ont besoin d’être déformatés.
En espérant que toutes ces prises de paroles chorégraphiques aiguisent les curiosités et élargissent l’horizon chorégraphique.

Chorégraphiquement et durablement vôtre

Isabelle Magnin