Compte rendu du débat à la Biennale de la danse-Lyon, du 17 septembre 2014

Compte rendu du débat à la Biennale de la danse-Lyon, du 17 septembre 2014


© Audrey Fretz
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© SCA

Mercredi 17 septembre 2014 de 14h00 à 19h00

Quelle reconnaissance de l’auteur dans les créations en lien avec des amateurs ?

Rencontre en partenariat avec Natacha Paquignon, le Synavi et Chorégraphes Associés à Toï toï le Zinc à Villeurbane.
Modératrice : Micheline Lelièvre, Chorégraphes Associés

Après l’accueil de Natacha Paquignon (Cie Kat’chaça, Toï Toï Le Zinc, Synavi Rhône-Alpes), Jean-Christophe Bleton (co-président de Chorégraphes Associés) présente le syndicat, ses diverses missions et ses derniers et prochains rendez-vous.

Un tour de table s’engage pour que chacun puisse dire depuis quel endroit il parle.

– Werner Moron (Paracommand’art), plasticien, producteur, créateur d’un lieu et créateur de contextes, qui s’est très vite posé la question du public, dans la mesure où il ne souhaitait pas être dans le circuit « consanguin » des galeries : comment faire venir le public et s’adresser à lui, la porte des galeries n’étant franchie que par un public très réduit.

– Gilles Malatray (Desartsonnants) promeneur écoutant, il fait partie d’un collectif qui creuse la question des paysages sonores.

– Bruno Paternot (journaliste d’Inferno Magazine), spécialiste de la danse

– Gérard Dossin Sanou (stagiaire dans la Cie Kat’chaça), danseur du Burkina Faso

– Anita Mauro (Cie Kat’chaça) danseuse et chorégraphe également

– Sathya Flory (Cie Kat’chaça & Association TaTaToom (association en charge du projet artistique et culturel de Toï Toï Le Zinc), chargée de production

– Valérie Zipper (Cie du Chien Jaune), metteur en scène de théâtre, souligne que les gens des arts de la rue ont une réflexion plus juste sur les publics que les lieux qui font de la médiation.

– Marcelo Sepulveda (Cie Tramaluna), chorégraphe pour différents publics

– Muriel Guyon (L’autre Chemin), chargée de production pour deux compagnies de théâtre, salariée du Synavi (spécialiste des questions juridiques).

– Alice Charmont, chargé de production de la Cie Zéotrope, compagnie de théâtre

– Jean-Christophe Bleton ( Cie Les Orpailleurs) et Isabelle Magnin (Cie Grand Bal), chorégraphes et membres de Chorégraphes Associés

Micheline Lelièvre rappelle le contexte de la rencontre : le billet d’humeur publié sur le site de SCA, lu par Natacha qui a contacté le syndicat et a organisé la rencontre.


 

1/ Pourquoi avez-vous choisi, ou non, de travailler avec des amateurs ?

Une première précision se fait, sur le fait que l’on ne parle pas des ateliers avec des amateurs, mais de leur implication dans une création.

Natacha évoque son envie d’impliquer des amateurs/non-professionnels dans un parcours de création, avec différentes modalités d’engagement (de la rencontre- discussion à l’interprétation) depuis le début de la création de sa compagnie. C’est une manière d’aller à la rencontre de personnes très différentes, d’occuper des espaces pas nécessairement dédiés au spectacle, provoquer des rencontres fortuites entre des personnes et un processus de création artistique. Et de nourrir son propre travail de création par la confrontation des points de vue.

– Pour Werner également, il y a une notion de partage et le désir de rencontrer un public. Pour cela il évoque quelques expériences radicales qu’il a menées et qui renvoient à l’idée de se mettre en danger (expérience dans les années 90 : 5 jours-5 nuits installé dans un endroit d’une ville à la rencontre des passants). (Du coup, quelque part) Alors il devient aussi amateur en allant ainsi vers un inconnu. Il n’aime pas le terme amateur, il lui préfère le terme de collègues, les amateurs étant des partenaires dans le travail le temps d’un projet. Il propose de ré-inventer des mots qui ressemblent à ce que nous souhaitons, plutôt que d’utiliser un vocabulaire institutionnel.

Gilles Malatray reprend cette idée : il pense aussi que le mot amateur pose problème dans la mesure où, si l’on travaille dans la transdisciplinarité par exemple, on peut se trouver avec des personnes plus performantes que soi. Il se pose la question de savoir s’il travaille avec des amateurs.

– Le journaliste Bruno Paternot pense que cette question de l’amateur ne devrait pas préoccuper l’auteur, ce n’est qu’une question juridique. L’auteur travaille avec des humains avant tout. Le professionnel serait celui qui rend public, l’amateur celui qui a décidé de ne pas en faire son métier et œuvre donc pour lui.

Gérard Sanou remarque qu’au Burkina, où travailler dans l’art n’est pas bien perçu, intégrer la population dans des projets permet de faire comprendre qu’il s’agit bien d’un travail et qu’il n’est pas facile. C’est un moyen de sensibiliser le public en l’incluant dans des projets.

Anita Mauro regrette que l’on n’utilise pas le terme de pédagogie, dans le sens où
elle pense que son objectif est d’amener les gens à trouver leur danse. Elle trouve que le travail avec des amateurs lui permet d’avoir de nombreux miroirs qui lui renvoient beaucoup d’informations nourrissantes.

Valérie Zipper rappelle que ce sont aussi les circonstances qui amènent à travailler avec des amateurs, par exemple en cas de commande pour des projets impliquant beaucoup de monde, et pas assez d’argent, c’est une solution possible. Elle aime cette relation aux amateurs, à la fois, étonnante et déroutante. Elle apprécie la facilité des relations avec eux. Par contre, elle déplore la tendance actuelle des institutions (celles qui financent les projets) d’aller chercher des publics qui n’ont rien demandé. Elle trouve qu’apporter la culture à des personnes qui n’ont rien demandé est discutable et limite. On peut avoir des surprises, dans les deux sens …
Elle souligne que la difficulté c’est la reconnaissance de ce travail avec les amateurs. Il n’y en a pas, et là c’est une vraie question.

Marcelo Marcello revient aussi sur le terme d’amateur, il lui préfère le terme espagnol d’«aficionados», qui évoque plus une idée de passion. Son utopie est de partager la danse avec le plus de monde possible, de tout univers. Il pense que travailler avec des non-professionnels, c’est une rencontre, qu’il apprend quelque chose d’eux. Cette rencontre lui permet de s’adapter à la personne en face de lui, et c’est un processus créatif. Il déplore également l’instrumentalisation de l’institution qui veut mettre des rustines à des endroits sensibles.

Tous évoquent le danger de devenir pompier social.

Muriel apprécie le travail avec les amateurs pour les qualités qu’ils dégagent, leur qualité de présence particulière. Quoique reconnaissant le danger de l’artiste pompier social, elle soulève l’idée que tout en reconnaissant que l’on n’a pas le même objectif qu’un travailleur social, on pourrait trouver un partenariat intéressant. C’est une question qu’elle ouvre…

Natacha évoque ses expériences réussies avec un centre de formation professionnelle, Tremplin ANEPA, qui met en place des parcours d’insertion professionnelle qui intègrent un volet de création professionnelle. La frontière entre les postes de pédagogues (dévolus au centre de formation) et le rôle de chorégraphe est bien définie. Cette répartition claire de la place de chacun est la clé de la réussite de ces projets.

Jean Christophe parle de sa formation qui l’a amené très vite à travailler en relation avec des publics amateurs. Il remarque que dans cette relation, on rend les gens autonomes, et que finalement,c’est dangereux pour l’institution. Il pense qu’il remplit son rôle de citoyen en partageant son art avec divers publics.

Isabelle explique que sa parade vis à vis de l’institution est de servir le discours attendu et de faire son travail à son idée ensuite. Son désir et son projet sont d’aller à la recherche de l’être dansant dans tous ses états.

Micheline rappelle que son texte concerne la co-création avec un créateur amateur et l’autre professionnel. Quelques exemples sont évoqués par les uns et les autres de ce cas de figure. Cela met en relief la question du risque inhérent au parcours professionnel. Ce qui n’est pas le cas pour le créateur amateur. La question n’est pas de nier le fait que ces créateurs soient des artistes, mais de prendre la mesure de l’engagement différent qui fait que le créateur amateur ne perçoit pas forcément l’endroit où se trouve notre travail de professionnels.


2/ Comment alors faire reconnaître notre métier ?

Par antinomie, Werner rappelle que les Punks étaient au départ des amateurs, qu’ils ont bousculé le monde….

Il reste que ce sont les artistes professionnels qui prennent des risques, qui se posent des questions pour faire avancer les réflexions, l’art….

La question qui est au cœur des préoccupations reste celle de la reconnaissance, mais quelle reconnaissance ? Sortir des cases de l’institution qui voudrait nous mettre dans celles de la médiation.

A la fois, on nous sollicite pour intervenir parce que nous avons des compétences et en même temps, on nous dénie notre rôle de créateur en nous refusant des résidences, des programmations….

Il ressort qu’il ne faudrait pas attendre que l’institution nous reconnaisse. Il faut se situer sur le terrain de l’utopie, élaborer un discours qui passe par l’action, pour ne par perdre l’envie de faire danser le monde.
Nous manquons d’outils théoriques et juridiques pour aller batailler. Alors il nous faudrait recréer de nouveaux cadres conceptuels pour réinventer notre environnement.

Chorégraphes Associés souhaite être un support pour créer les lieux de réflexions pour aller de l’avant en fédérant les chorégraphes et en créant des endroits de rencontre.

– Le Synavi propose un lien avec les autres arts, eux aussi concernés de plus en plus par cette question de la création avec des amateurs/non-professionnels.


3/ Questions juridiques et financières qui se posent lorsque l’on emploie des amateurs.

Chaque projet est unique. Dans certains cas, la solution la plus raisonnable semble celle de verser un salaire, même minime, lorsque les amateurs se produisent sur scène.

Néanmoins, il faudrait creuser cette question avec des spécialistes.
A suivre donc……

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