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  • Espace Public, territoire, art, Intervention d’Yves Nacher

    Espace Public, territoire, art, Intervention d’Yves Nacher

    Débat de Nice 23/11/15

    Yves Nacher est directeur du Forum d’Urbanisme et d’Architecture de la Ville de Nice.

    La conception de l’espace, dans tous les sens du terme, est le fond de commerce de l’architecte ou de l’urbaniste : à toutes les échelles auxquelles il peut intervenir, du grand dess[e]in urbain à la micro-architecture. Pour autant, la manière dont l’espace prend corps par le fait de le pratiquer n’en est pas moins importante dans l’existence d’un lieu.

    Espace et Mouvement
    La primauté du visuel est écrasante dans la consommation d’un lieu. Mais la perception d’un environnement fait aussi appel à des sens interconnectés qui conditionnent le regard : à l’espace physique se superposent des espaces sonores, odorants, gustatifs, tactiles – des espaces sensibles – constitués de rencontres, d’impressions fugaces, d’images mentales qui construisent des récits autour de signes.

    Comment un espace prend sens à travers le mouvement est d’ailleurs une question qui permet un croisement d’idées sur la ville avec des chorégraphes : avec l’idée de parcours dans un territoire, le mouvement n’est effectivement pas un simple corollaire de la ville mais il lui est au contraire intimement lié.

    Roland Barthes souligne la difficulté à se repérer dans Tokyo pour un occidental en l’absence de noms de rues, et la nécessité de faire de l’orientation une question de communication avec autrui : se faire dessiner un itinéraire par un passant à partir de repères identifiables ou se faire guider au téléphone par la personne à qui l’on rend visite. L’expérience visuelle et sensible fait alors de la ville autant une configuration spatiale que sur des cheminements qui la parcourent.

    L’artiste conceptuel néerlandais Stanley Brouwn demande à des passants inconnus de lui indiquer comment aller en divers endroits d’Amsterdam en les priant sur l’instant de lui faire un croquis de leur main, en un art vernaculaire de la rencontre et de la cartographie.

    Dans les années quatre-vingts, le sociologue suisse Lucius Burckhardt formule même le terme allemand de Promenadologie (ou Spaziergangswissenschaft, science de la promenade) comme perception focalisée et consciente de ce notre environnement.

    Deux visions de l’espace se présentent ainsi : l’une (la vue en plan) relève du regard vu de haut, de la vue aérienne, de la vue lointaine ; l’autre (l’itinéraire) relève de la frontalité du regard en mouvement, qui ménage au long des parcours des échappées perspectives, des passages ou des juxtapositions. La vision de l’espace vue de haut (la carte) et celle, frontale, du regard en ne sont pas exclusives l’une de l’autre, mais fonctionnent au contraire en mode complémentaire ou alterné en une congruence psychogéographique du mouvement et de la perception.

    Espace et Dess(e)in
    Les artistes en mouvement interprètent les lieux plus qu’ils ne les dessinent, comme le ferait l’architecte ou l’urbaniste. Leur pouvoir sur la définition des lieux n’en est cependant pas à négliger en comparaison au pouvoir du dessin, au pouvoir du projet, dans l’existence réelle des lieux.

    Un espace ne se dessine pas nécessairement de A à Z. Il se vit, il se déduit, il a parfois une vie propre. La terminologie est révélatrice : pour désigner des sentiers marqués par l’usure créée par des pas récurrents, qui dessinent de fait des itinéraires d’usage là où les gens prennent des raccourcis par rapport à la voirie existante, on parle de lignes de désir. Il est heureux que le désir puisse devenir un médium d’urbanisme.

    Espace et Décision (Espace et Politique)
    Qu’est-ce qui fait qu’un espace public est public ?
    Est-ce sa fréquentation ou son processus de décision ?
    Une place, une rue peu fréquentées sont-elles plus publiques qu’un centre commercial, lieu privé mais noir de monde et avec tous les attributs de la vie sociale ?

    Comment qualifier ces quartiers de voisins vigilants, où l’espace public au sens du foncier (les rues, les trottoirs) serait en quelque sorte réservé aux résidents qui sont propriétaires des parcelles privées qui le bordent, et dont la relative homogénéité sociale et solidarité dans une défense de leur intégrité leur permet de repérer et de juger de qui est légitime dans l’espace dit public – qui, de fait, ne l’est plus tout-à-fait.

    Plus fondamentalement, l’espace public devient de plus en plus un lieu résiduel, interstitiel. Il est très souvent ce qui reste par défaut, par déduction, quand le reste a été aménagé par des initiatives autres que celles de la collectivité. Peu à peu disparaissent alors ou deviennent relatifs deux éléments que l’on pensait acquis dans la ville moderne, à savoir la liberté et la gratuité d’accès garanties par la puissance publique.

    La rétraction de l’espace public n’est pas le seul fait des évolutions sociétales ou technologiques, d’une vision plus libérale de la gestion, de l’attribution ou de l’usufruit des territoires. Elle est aussi le fruit de soubresauts de circonstance. Les attentats de novembre 2015 à Paris, tant par les attaques sur des espaces publics que la réponse en termes d’état d’urgence, ont soulevé une dialectique de revendication sociétale de l’espace public comme lieu de partage versus une volonté de cliver la société par des actes de violence.

    Et cette synthèse ne se retrouve pas seulement dans des espaces publics sur la toile, mais clairement sur le pavé, sur les places, dans les terrasses, dans une forme de soubresaut, de réactivation du lieu physique partagé.

    Bouger dans l’espace pour le faire exister
    Aujourd’hui les mobilités et les nouvelles technologies de l’information font émerger de nouvelles géographies existentielles de citoyens nomadisés, aux frontières flottantes et changeantes. Aujourd’hui se développent de nouvelles interactions entre citoyens et lieux, ou bien des soubresauts de l’histoire provoquent parfois des catharsis. Tout cela conduit à réfléchir à une urbanité différente. Au choix, c’est effrayant ou excitant, mais c’est surtout ce qui se passe: il faut continuer à y aller, à bouger dans l’espace pour le faire exister.

  • Comptes Rendus détaillés des interventions du débat de Nice 23/11/15

    Comptes Rendus détaillés des interventions du débat de Nice 23/11/15

    Présentation de la notion de territoire par Micheline Lelièvre, chorégraphe, modératrice du débat et membre de Chorégraphes Associés

    Université, Danse et Territoire, Intervention de Marina Nordera, Professeur en danse, responsable pédagogique de la section Danse de l’université de Nice Sophia Antipolis et membre du Centre Transdisciplinaire d’Epistémologie de la Littérature et des Arts Vivants

    Psychothérapie, Art et espace, Intervention de Frédéric Vinot, responsable du DU Interaction, Art et Psychothérapie à l’Université de Nice

    Danse et Verticalité, Intervention Antoine Le Menestrel, chorégraphe

    Entreprise, Chorégraphie, un autre chemin possible, Intervention d’Elodie Bergerault, chorégraphe

    Espace Public, territoire, art, Intervention Yves Nacher, directeur du Forum d’Urbanisme et d’Architecture de la Ville de Nice

  • Autre chemin possible, Intervention d’Elodie Bergerault

    Autre chemin possible, Intervention d’Elodie Bergerault

    Débat de Nice 23/11/15

    Elodie Bergerault dirige l’entreprise Danaïades : le mouvement comme moyen de communication.
    Créer une entreprise: ne pas attendre les subventions pour devenir créatif.
    Aller voir ailleurs d’autres schémas existants.

    Beaucoup de gens sont hermétiques à la danse. Aller vers ces gens-là.
    Point de départ: envie de déplacer les frontières et élan pédagogique

    Dans le cadre de l’entreprise et de l’événementiel, on peut proposer des projets avec des convictions fortes dans ce contexte aussi.
    Il faut répondre à des commandes. Être capable d’être créatif dans un cadre.
    Comment, par le mouvement, utiliser notre langage, proposer un spectacle à un public qui n’y aurait peut-être pas accès?
    Souvent, elle investit des lieux qui n’ont pas été traversés par la danse.

    Comment, en tant que chorégraphe, on entre dans les entreprises? (Ici, elle se présente comme experte en mouvement)
    Par exemple, un séminaire sur la posture.
    Utiliser son savoir de chorégraphe et sa perception d’artiste pour faire bouger les choses, transformer les corps.

    Aujourd’hui, elle se sent entre deux territoires : chorégraphe et entrepreneur. Elle aime bien être entre. Il y a de l’inattendu. Il faut parfois adapter son langage, être plus commerciale. Il est important d’inventer, de cheminer, d’être créatif dans les démarches aussi.

    Danaïades: c’est un concept, c’est une entreprise mais c’est une entreprise chorégraphique.
    Il y a d’autres schémas possibles.

  • Danse et Verticalité, Intervention Antoine Le Menestrel

    Danse et Verticalité, Intervention Antoine Le Menestrel

    Débat de Nice 23/11/15

    Antoine Le Menestrel est chorégraphe et danseur de la Cie Lézards Bleus.

    Être créatif dans l’adaptation. Il se définit comme un voyageur en verticale, un folambule. Son mode de locomotion est l’escalade.
    Un parcours : c’est un grimpeur de haut niveau qui participe à l’invention de l’escalade libre. Puis ouvreur de voies de compétition, il apporte à l’ouverture du spectaculaire et une dramaturgie révélé par les compétiteurs.
    Il se libère de l’esprit compétitif et devient chorégraphe.
    La recherche de l’énigme minérale l’a rendu gestuellement créatif.
    D’abord, il joue dans les théâtres sur des décors différents qu’il construit et jusqu’à s’en affranchir. Ce chemin de dénuement le mène à l’environnement vertical, les façades. C’est la création d’une dizaine de spectacles de danse de façades en milieu urbain et naturel…

    Les spectacles se nourrissent de mythologie verticale. Les territoires imaginaires : Roméo va rejoindre Juliette au balcon, le Petit Prince, Spiderman, Le Père Noël, personnages cultuels…
    A chaque lieu correspond un spectacle : monument, rue piétonne, bâtiment…
    Chaque spectacle est une recréation avec l’architecture et le contexte de la représentation (territoire politique). In situ In visu. Les passants assistent à chaque étape de la recréation. Repérage du support, apprivoiser la technique. Répétition générale.

    L’architecture devient partition chorégraphique. Cette architecture lui renvoie un territoire imaginaire.
    Dans la rue, il travaille sur la limite entre espace privé (les habitations, lieux de vie, de commerce…) et l’espace public. La frontière est son espace scénique.
    Il est attaché aux limites et aux frontières pour y trouver une lézarde.

    Arrivée sur un lieu : observation visuelle, écoute, touché. Ce n’est pas parce qu’un lieu est fragile qu’il l’évite, il utilise alors une technique de répartition de son poids sur les quatre membres. Il choisit les prises les plus solides en les faisant sonner, en les nettoyants. Il prépare une voie déterminée dans laquelle il improvise.
    Faire appel à son intuition. Se poser devant: qu’est-ce que cette façade me raconte?
    Ressentir les lignes de force, les points d’acupuncture, ce qui prolonge l’architecture.

    Prise en compte de l’espace de visibilité des spectateurs (espace, contre-jour intéressant ou pas, floraison…). Cet espace peut être fixe ou déambulatoire. (Obstacle, rue passante à traverser, trottoir avec le regard en haut ! …)

    Espace de sécurité: définitif (barrières Vauban) ou fluide (balises rouges et blanches avec un cœur dessus)
    Certains territoires demandent des autorisations (bâtiment institutionnel). Pour obtenir ces autorisations administratives, une association forte avec l’organisateur est parfois nécessaire (travail de longue haleine). Pour d’autres spectacles, il ne demande pas d’autorisation de grimper mais la possibilité de se déplacer sur les façades. Passer d’un point A d’un côté à un point B plus loin! Ne pas laisser la porte ouverte à un non. Le Joker: en cas de refus, il frappe à la fenêtre en présence des spectateurs pour demander un passage créer une scène. C’est le canal poétique et relationnel, il n’y a que l’artiste qui peut le faire.

    En général, il travaille seul, en journée. Il improvise avec le temps, avec le vent, avec le soleil – territoire cosmique. Il est toujours prêt à jouer, prêt à modifier le spectacle sous la pluie, s’engouffrer dans la fenêtre météo.

    Il a besoin du regard des spectateurs pour exister, cette tension est une cordée émotionnelle. Il ne cherche pas à habiter les lieux, il est de passage telle une signature. Il donne l’échelle humaine dans l’espace architectural.
    Il dit :  » je ne change pas le monde, mais je change le regard sur l’architecture »

    Sa dernière création est pour le théâtre sur les 6 faces du cube débarrassé des pendrillons. Là il est chorégraphe, il redescend à l’horizontal. La thématique est inspirée de l’idéologie de l’Escalade. Il met l’accent sur la descente, profite de la gravité. On ne sait plus descendre. Il y a une gravité de l’altitude. Pourtant le sommet est une voie sans issue. Le partage est notre sommet.

  • Psychothérapie, Art et espace, Intervention de Frédéric Vinot

    Psychothérapie, Art et espace, Intervention de Frédéric Vinot

    Débat de Nice 23/11/15

    L’intervention de Frédéric Vinot s’est centrée sur une interrogation de l’espace articulée à ses thèmes de recherche : la pratique clinique auprès des sujets dits « SDF » et la question des médiations thérapeutiques par l’art.

    Un point commun relie ces deux thèmes, c’est le fait que l’espace est souvent conçu comme un donné à s’approprier : d’une part l’investissement de l’espace public de la rue, par les SDF, est souvent pensé comme un mouvement de privatisation, une « appropriation » (Zeneidi-Henry, 2002) ; d’autre part la mise en place d’ateliers de soin à médiation par l’art convoque aussi régulièrement des enjeux d’appropriation de l’espace (notamment de la part des intervenants qui imaginent devoir « défendre leur cadre » et faire régner leur loi sous forme de règles).

    L’espace est donc ici soumis à des logiques de délimitation, de définition, de défense contre l’extérieur et d’appropriation (Vinot & Vives, 2010). Or, ce n’est pas la seule façon de penser l’espace, car habiter n’est pas s’approprier. « Personne n’est chez soi » écrivait Levinas (1972).

    Plusieurs exemples plaident en faveur de cette distinction :
    1.Dans la mythologie grecque, les travaux de JP Vernant (1963) montrent que les grecs pensent l’espace grâce à deux dieux distincts mais complémentaires :
    – Hestia, la Déesse du foyer, représente les lieux délimités, avec une centration du territoire et une délimitation très nette dedans/dehors.
    – Hermès, quant à lui est le dieu des seuils et des passages, préside aux rencontres imprévues, échappant aux prédestinations spatiales. Rien ne peut l’enfermer, il déjoue l’idée d’un dedans et d’un dehors. Ici l’appropriation n’est pas suffisante pour penser l’espace : il y a un au-delà, une altération du territoire, au sens de l’alter/Autre : il y a autre chose que l’appropriation.

    2. La philosophie, et notamment la phénoménologie allemande, pense deux versants du corps, dans lesquelles on retrouve ces deux dimensions. La langue allemande propose deux mots pour dire le corps: Körper qui renvoie au corps comme capsule délimitée, sac biologique et peau enveloppante, séparant le dedans du dehors ; et Leib qui évoque le corps comme traversant et traversé. Martin Heidegger dans sa conférence de 1964 sur « Art-Sculpture-Espace »  évoque très bien cette différence entre Körper et Leib, mettant l’accent sur la dimension de traversée de l’espace que sollicite tout corps (Leib) y compris sans déplacement physique.

    3. Enfin, Michel de Certeau développe aussi deux formes de conceptions de l’espace, notamment de l’espace urbain, dans son travail sur l’invention du quotidien et les arts de faire (1980). Une ville est certes pensée et conçue par des experts (urbanistes prônant une approche fonctionnaliste et rationnelle de la ville) et impose toutes sortes de contraintes, pouvoirs et discours qui assignent à chacun un statut, une fonction, une identité. Par contre, chaque individualité peut détourner ses contraintes, « s’inventer avec », c’est-à-dire créer un espace creux au sein des réseaux prédéterminés. Pour de Certeau, il s’agit là d’une pratique de l’espace: moins délimiter et définir que trouer les territoires, les propriétés pour révéler ce que l’espace et les êtres réservent toujours d’inconnu et d’imprévu.

    Il n’est pas anodin que M. de Certeau ait compris ces pratiques de l’espace des arts sous le registre des « arts de faire ». En ce sens les chorégraphes, praticiens de l’espace, ne peuvent pas penser leur rapport au territoire uniquement en terme d’appropriation. Il leur faut également, probablement, y forer de l’inconnu, afin que l’espace et le corps se révèlent autre. C’est leur contribution à un monde habitable.


     

    Bibliographie
    De Certeau M. (1980), L’invention du quotidien, tome 1, Gallimard/Folio, 1990
    Heidegger M. (1964), Remarques sur art-sculpture-espace, Payot & Rivages, 2007
    Lévinas E., Humanisme de l’autre homme, Fata Morgana ,1972
    Vernant J.-P. (1963), Hestia/Hermès. Sur l’expression religieuse de l’espace et du mouvement chez les grecs, L’homme vol. 3
    Vinot & Vives, Dimensions psychologiques de l’habiter chez les personnes SDF, DASS/UNS, 2010
    Zeneidi-Henry, Les SDF et la ville, Breal/CNRS, 2002

  • Université, Danse et Territoire, Intervention de Marina Nordera

    Université, Danse et Territoire, Intervention de Marina Nordera

    Débat de Nice 23/11/15

    Marina Nordera, Professeur en danse, responsable pédagogique de la section Danse de l’université de Nice Sophia Antipolis et membre du Centre Transdisciplinaire d’Epistémologie de la Littérature et des Arts Vivants (EA 6307)

    La Section Danse est une structure d’enseignement et recherche constituée depuis 1992 au sein de l’Université de Nice Sophia Antipolis qui propose aujourd’hui des formations de Licence, Master et Doctorat en danse.

    Plus d’infos sur l’Université : http://danse.revues.org / http://portail.unice.fr

    Bien que la Section Danse, depuis son origine, soit inscrite dans le territoire local (collaborations pédagogiques avec les professionnels et partenariats avec les institutions culturelles et écoles supérieures d’arts), le recrutement des étudiants se fait sur le plan national et international. Il y a donc interaction entre l’enracinement des formations dans le territoire local et le rayonnement national et international. Les étudiants, à la fin de leurs études, peuvent repartir ailleurs pour s’insérer dans le monde du travail. Les frontières du « territoire » de la Section danse sont donc percées par ces arrivées et départs.

    La terminologie universitaire, tout comme celle de la danse, est marquée par les métaphores de l’espace et du territoire : on parle par exemple de «champs d’études», de «terrain de recherche», ou de «séminaires». Le mot séminaire vient de seminarium : le lieu protégé où l’on va semer des graines, où elles germeront à l’abri pour être planter ailleurs par la suite.

    Le mot «chorégraphie» dans sa signification originaire au XVIIIe siècle indiquait l’action (et le métier) de mettre par écrit le geste dansé avec des signes. Le chorégraphe «couchait sur le papier», dans l’espace horizontal et confiné de la page, la complexité, la verticalité et l’organicité du corps. Une autre figure professionnelle, celle du «compositeur de danses» recouvrait les caractéristiques du métier du chorégraphe comme nous le concevons généralement aujourd’hui. Dans sa signification originaire la «chorégraphie» comporte une phase nécessaire d’observation, de réflexion et de production de signes. Une activité qui s’apparente au geste de sillonner la terre. Chorégraphes Associés peut interroger le terme de chorégraphe en ce sens, repousser les frontières de ce métier, circonscrire (ou pas) la limite qui constitue le territoire de son activité.

    Il semblerait nécessaire d’ouvrir davantage les frontières disciplinaires, entre les arts et entre les métiers. Chorégraphes et chercheurs entrent de plus en plus les uns dans les territoire des autres : les premiers à la recherche d’outils de réflexion pour définir, comprendre et faire évoluer leurs activités ; les autres intéressés à l’étude des processus artistiques à l’œuvre dans la chorégraphie en train de se faire.

    Une dernière considération par rapport aux évènements récents du 13 novembre. Un mot circule dans nos discours : sidération. Il indique un état d’impuissance – y compris du corps – à agir, en réaction à un traumatisme psychique majeur. Le sujet sidéré (sous l’influence des sidera, les astres, dans l’antiquité) ne peut plus se mouvoir, ni ébaucher un geste pour se défendre. Il reste confiné dans son territoire, il ferme les frontières. Plus que jamais dans ces jours-ci il semble nécessaire de retrouver le pouvoir d’agir (agency) à partir du corps en mouvement, de la circulation des personnes et des idées dans un espace libre et un territoire partagé.

  • Présentation de la notion de territoire par Micheline Lelièvre

    Présentation de la notion de territoire par Micheline Lelièvre

    Débat de Nice 23/11/15

    Le territoire témoigne d’une appropriation à la fois économique, idéologique et politique de l’espace par des groupes humains qui se donnent une représentation particulière d’eux-mêmes, de leur histoire, de leur singularité (G. Di Meo, Géographie sociale…)

    Le territoire est un investissement affectif et culturel que les sociétés placent dans leur espace de vie. Le territoire s’apprend, se défend, s’invente et se réinvente. Il est lieu d’enracinement, il est au cœur de l’identité. On apprend aussi qu’un territoire, c’est d’abord une convivialité, un ensemble de lieux où s’exprime la culture, ou encore une relation qui lie les hommes à leur terre et dans le même mouvement fonde leur identité culturelle (J. Bonnemaison, Voyage… ).

    D’une certaine manière, tout territoire social est un phénomène immatériel et symbolique. Tout élément, même physique ou biologique, n’entre dans la composition d’un territoire qu’après être passé par le crible d’un processus de symbolisation qui le dématérialise en quelque sorte. Tout territoire social est un produit de l’imaginaire humain (Y. Barel, Le social et ses territoires)

    La culture c’est le vivre ensemble qui habite un lieu, un groupe et qu’en permanence tente de transmettre l’œuvre déjà là et d’ouvrir à l’œuvre à naître. (Jean Viard, Remettre le poireau à l’endroit)

    Le territoire paraît se livrer d’évidence mais aussitôt il se dérobe, il ne se laisse pas appréhender, aborder apprivoiser par « l’acteur » que si celui-ci se place en position de l’observer longtemps et d’y développer son écoute.
    L’artiste extérieur à ce territoire doit se poster à l’écoute et prendre le temps préalable d’une observation subtile, respectueuse, tenace, pour concevoir l’action qu’il va réaliser dans un milieu situé. Pour cela il fait une lecture attentive qui touche à tous les domaines de ce « milieu de vie » : institution, commerces, vie locale, communauté scolaire, mais aussi mémoire, coutumes, saisons, etc… (Formation de Bouxwiller autour de l’artiste dans le territoire (extrait de la plaquette)

  • Compte rendu du Débat à Nice : « Chorégraphes et Territoires »

    Compte rendu du Débat à Nice : « Chorégraphes et Territoires »

    Pourquoi et comment occuper l’espace?

    Lundi 23 novembre 2015 de 9h00 à 19h00

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    © SCA

    Rencontre et réflexion partagée – Pistes à mettre en jeu au Chantier 109 // Anciens Abattoirs à Nice

    Compte rendu général de la journée

    Cette journée n’aurait pu se faire sans le travail assidu et déterminé de Lisie Philip de la Cie Antipodes, qui nous accueille à l’atelier 109 (Anciens Abattoirs).
    Micheline Lelièvre, chorégraphe et membre de Chorégraphes Associés, tient le rôle de médiatrice pendant toute cette journée.
    C’est un RDV fédérateur destiné à stimuler la réflexion de l’ensemble des chorégraphes du territoire et de tous ceux dont l’action est liée à la danse et à son approche avec le et les publics.
    La journée de rencontre accueille 60 à 70 participants. Tous ne peuvent pas être présents tout au long de la journée. Mais dans l’ensemble le brassage est intéressant et fécond.

    Présents sont :
    –  chorégraphes et responsables de compagnies de danse : Eric Oberdorff pour la Cie humaine, Jeff Bizieau pour la Cie sixièmeétage, Delphine Pouilly de la Cie Reveïda, Laurence Martouret de la Cie Trans, Emmanuelle Pépin pour 7Pépinière, Morena Di Vico et Marie Pierre Genovese, interprètes de la Cie Antipodes et danseuses-performers;
    – Frédéric Vinot, psychanalyste et enseignant à l’Université de Nice;
    personnalités en charge du territoire : Yves Nacher et Jean Luc Gagliolo pour la Ville de Nice, René Corbier de Cannes;
    institution locale et nationale : Laurent Barré, pour le CND;
    responsables pédagogiques : Bertrand Papillon, Professeur de danse contemporaine au CNRR, Ariane Dupuy et Anne Charlotte Petrou Monchal pour le Rectorat
    Universités : Marina Nordera professeur charge de la section danse à l’Université de Nice, ainsi que Joëlle Vellet et Federica Fratagnoli, maîtres de conférence
    – nombreux étudiants de la section danse à l’université
    – des plasticiens et comédiens.

    Les comptes-rendus détaillées des interventions des invités sont en lien ici.

    Durant le forum, chaque intervenant donne une réponse concise de deux minutes par personne, voici quelques réponses aux questions proposées:


    1/ Quels sont les territoires de votre compétence investis par une pensée chorégraphique? Ceux qui seraient à investir selon vous?
    – Lieu de résidence artistique sur un foyer de jeunes travailleurs (Fabrique Mimont) et à mettre en place ateliers tenus par les compagnies en résidences pour les personnes locataires.
    – Ne pas mettre la culture dans le secteur «événementiel»- enlever ce mot!
    – Plusieurs jours, plusieurs chorégraphes, ateliers, temps de réflexion, processus d’échange
    – Visite de la ville avec un/une chorégraphe la pratiquant: mobilité en ville
    – Pure hypothèse et questions: comment les chorégraphes s’y prennent-ils pour ruser avec le bla-bla nécessaire pour se vendre au risque de trahir leur éthique? Sur quoi buttent-ils?
    – Faire monter tout le monde en haut d’un building. Faire éprouver à chacun ce que c’est qu’être au sommet.- Forum de la danse départementale en milieu scolaire chaque année. 200 élèves, collégiens, lycéens. Travail à long terme, pas de saupoudrage. Ateliers et rencontre du processus de création d’un chorégraphe.
    – Contexte de vie et de partage particulier. Rapport entre chorégraphe, artistes, matière artistique, corps différents. Partage de petits bouts d’aventure avec lui. 8 jours comme 3 heures.

    2/ Qu’évoque pour vous les notions de corps sensible, corps social, en lien avec la danse?
    – Chœur en mouvement en plein air. Territoire en mouvement
    – Réhabiliter le en bas, mettre sur le plateau les figures de notre monde, personnes en marge, néophytes, porteurs de sens, du sensible. Parler de ces thématiques de façon sensible mais aussi rock and roll et fun.
    – Idée de nomadisme : tisser des liens de ville en ville, de pays en pays. Déposer une trace humaine. Comme performeuse, observation: être au cœur d’un lieu, l’écouter, le sentir puis composition instantanée. Les personnes autour: captent-elles la présence, quand, comment? Dialogue
    – Territoire : humaniser – déshumaniser – Rapport de l’intime – espace public ouvert.
    Sujet de l’intime, avec un public qui n’a pas l’habitude d’y être confronté.
    – Une forme chorégraphique comme la farandole qui permet d’unir aux danseurs ceux qui ne le sont pas. Traverser les espaces – peut devenir un cercle. Matériau de travail pour les chorégraphes
    – Nous sommes tous des corps sensibles, nous sommes tous partie du corps social. Expérience partagée – Se nourrir du public: arrêt de tram par exemple

    3/ Quels sont vos territoires d’action? (question à destination des chorégraphes)
    – Rapport à la musique vivante – projets qui s’appuient sur le rapport danse/musique
    – Comme artiste, observateur de la société, pose des questions – Mise en place d’un réseau européen de résidences: le territoire qui est le mien reçoit les autres.
    Travail en milieu carcéral: travail chorégraphique, photo et vidéo présenté dedans, dehors, inclusion, exclusion.
    – Réponse d’une plasticienne : interaction de la déformation du corps pour entrer en contact avec un territoire et inversement. Empreinte que le territoire laisse sur le corps.
    – Reprendre une partition chorégraphique qui n’a plus jamais été remontée. La reprendre, la réinterpréter. Partager avec des publics. Comment révéler encore plus le corps sensible?
    – Nice, ville de mer. Faire de la mer un spectacle.
    – Terrain vague – flou entre – zone non identifiée. Transformer les choses – Partager farandoles – Tours humaines – Période courte


    Dans l’après-midi, nous  travaillons à partir d’un quiz. Tous les présents sont invités à répondre à 4 questions:

    Votre vie doit-elle quelque chose à la danse?
    La dernière fois que vous avez dansé pour votre plaisir?
    Chorégraphe, ça sert à quoi?
    Chorégraphe : comment décririez-vous cet animal?

    La lecture de ces fiches s’est faite avec une mise en espace.
    La proposition est intéressante mais demande à être affinée pour permettre un dialogue en mouvement.


  • Appel aux chorégraphes en Région

    Nouveaux élans, Nouvelles impulsions

    Vous êtes chorégraphes. Nous le sommes tous, chacun sur notre territoire, avec notre identité, notre savoir faire, notre langage, nos champs d’exploration…

    Face à un certain immobilisme avez-vous envie de faire bouger les choses dans votre région ? Voudriez-vous créer de nouvelles dynamiques ?

    Faites-le nous savoir!
    Racontez-nous vos envies, vos élans, les freins que vous trouvez sur votre parcours, les dialogues à établir selon vous… et ce qui semble important.

    Sans soutien, il est souvent difficile de passer à l’action, mais ensemble nous pouvons mettre en place une rencontre pour faire vivre le réseau près de chez vous,  créer un terrain de rencontre fertile, essaimer une pensée chorégraphique…


    Le principe ?
    Une/e chorégraphe sur un territoire, une logistique soutenue par Chorégraphes Associés, une thématique en lien avec des questions qui se posent autour de vous.

    Rejoignez nous! Ecrivez nous!


    nice_rencontre15
    Rencontre à Nice en 2015 © SCA

    En novembre 2015, Chorégraphes Associés a organisé une rencontre à Nice avec Lisie Philip, chorégraphe de la Compagnie Antipodes.

    >>> Succès sur toute la ligne <<<
    Des projets chorégraphiques naissent déjà!

  • PAWA 254 / Réseau en Afrique

    PAWA 254 / Réseau en Afrique

    Groupement d’artistes kenyans où la contre-culture mêle art et politique et s’appuie sur les réseaux sociaux

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