Nous sommes accueillies au conservatoire par Nathalie Auboiron, l’ADDA du Tarn avec la complicité de Patricia Ferrara.
Sont présentes Nadège Macleay et Micheline Lelièvre, pour Chorégraphes Associés,et Nathalie Auboiron, Patricia Ferrara, Claire Cauquil, Emilie Labédan, Dominique Rebaud.
Nous commençons par évoquer l’expérience de chacune.
Un peu de temps est nécessaire pour passer du « descriptif » à ce qui représente chacune dans sa spécificité d’écriture.
Certaines avaient du mal à se sentir « auteur » hors de leur création personnelle.
Deux questions sont apparues :
– à quel moment je deviens chorégraphe ?
– quelle est la légitimité de se nommer ainsi ?
Ainsi, l’une d’elle est passée par le DE pour se sentir reconnue par la profession, et avoir une légitimité.
La question de la confiance en soi est posée, de la difficulté de se faire reconnaître par l’institution, surtout si l’on ne peut pas revendiquer avoir travaillé avec un chorégraphe connu.
Nous évoquons la proposition de Patricia intitulée « dé-faire », qui a permis de pointer du doigt que l’on peut être auteur en élaborant un concept, qui est pris en charge par les participants au projet, donc sans que l’auteur soit présent. Ensuite chacune a élaboré une signature et nous avons partagé un temps de pratique à partir de ces propositions.
L’étoile de la danse Wilfride Piollet vient de s’éteindre prématurément.
Avec son époux Jean Guizerix, une grande curiosité et beaucoup de gourmandise, elle a côtoyé les plus grands chorégraphes classiques et contemporains de notre temps.
Elle a conçu une technique intelligente pour travailler la danse, qu’elle a intitulée « les barres flexibles » avec laquelle elle a formé des générations d’interprètes.
Wilfried était la quintessence de l’interprète, merveilleuse, passionnée et inventive.
Qu’est ce qu’une œuvre ? Il ne s’agissait pas pour les différents intervenants de répondre de manière définitive à cette question, mais plutôt de voir, à travers leurs domaines de travail respectifs et les champs de réflexion qui leur sont associés, en quels termes pouvaient se poser la question. L’intitulé de la rencontre ne faisait pas mention d’un domaine de création particulier, aussi la discussion, bien que centrée sur la danse, a été nourrie par des réflexions issues du champ des arts plastiques et de la musique.
Définir ce qu’est une œuvre, lorsqu’elle relève du domaine de la danse, est particulièrement complexe en raison des différentes transformations qu’elle peut connaître entre le moment de l’écriture et celui de sa présentation et d’une représentation à l’autre. Le chorégraphe peut introduire une certaine souplesse dans son écriture et laisser aux interprètes une part de liberté dans leur lecture de l’œuvre. Pour Loïc Touzé, chorégraphe et danseur et pour Jean-Marc Piquemal, danseur et notateur, cette liberté laissée au danseur est constitutive de l’œuvre, aussi figure-t-elle dans les partitions de danse au même titre que les parties fixes.
Cette mobilité inscrite dans l’œuvre est amplifiée par un certain nombre de paramètres extérieurs. Selon Loïc Touzé, le simple fait de présenter une œuvre dans un nouvel espace en fait une création différente. L’espace, la lumière et d’autres facteurs modifient la création ; lorsqu’elle se lit, se projette ou se montre, l’œuvre continue à s’écrire. La représentation n’est pas perçue comme le résultat, le point d’orgue du processus de création mais plutôt comme une ouverture vers une autre étape de l’écriture.
Cette place centrale de la présentation n’est pas propre au champ de la danse. Fred Guzda a écrit en se référant aux arts plastiques : « Pour être une œuvre d’art, il suffit d’y prétendre, étant entendu que cette prétention n’implique ni ne suppose aucun jugement de valeur, tandis qu’elle suppose une forme qui est celle de l’exposition»[1]. Cette considération conserve toute sa pertinence appliquée au champ de la danse ; Fred Guzda a aussi déclaré, en s’appuyant sur les écrits de Frédéric Pouillaude[2], qu’il est certes possible de danser pour soi mais la danse ne devient œuvre que lorsqu’elle se déploie dans l’espace scénique, dans la rencontre entre actant et spectateur.
Cette œuvre qui se montre n’est plus celle qui avait été imaginée par l’auteur et celui-ci n’est pas seul responsable de la forme que prendra sa création lors des représentations. Pour Loïc Touzé, s’il n’existe pas d’œuvre sans écriture, celle-ci n’est jamais définitive. Pour lui, l’auteur n’est qu’un des nombreux effets qui permettent l’avènement de l’œuvre et sa perpétuelle recréation. L’auteur est un maillon d’un processus qui le dépasse et qui survit bien après lui. Cette conception rend caduques les notions de copie et d’original dans le domaine chorégraphique. Sinon il ne faudrait voir dans chaque représentation que l’imparfaite copie d’une œuvre originale qu’il serait impossible de reproduire à l’identique. Les modalités même de transmission d’une œuvre dansée constituent une recréation. Comme l’a expliqué Jean-Marc Piquemal si la partition qu’il produit donne de nombreux éléments sur une œuvre, il lui faut faire des choix sur ce qu’il va montrer d’une création. Comme il l’a déclaré : « le notateur recrée une pièce qui n’est pas vraiment l’original ». Mais pour lui, la mise en partition n’est qu’un des nombreux bouleversements qui affectent l’œuvre au cours de son existence ; la lecture de cette partition puis son incarnation l’entraîneront invariablement dans d’autres directions que celles pensées par l’auteur puis le notateur.
Tous les intervenants ont insisté sur l’importance de la confrontation avec le public, condition même de l’existence de l’œuvre chorégraphique, ce qui la rend fortement dépendante d’un certain nombre de contraintes matérielles. Dans cette optique, Mélanie Perrier, chorégraphe, a souligné le rôle déterminant du programmateur dans le processus de création. Elle a ainsi déclaré : « si une œuvre ne trouve pas son public, elle reste à l’état de prescription, rien de plus ». Fred Guzda, faisant un détour par le champ des arts plastiques, a souligné le rôle déterminant des institutions culturelles dans la reconnaissance d’une proposition comme œuvre d’art. Pour la danse, cela s’affirme avec d’autant plus de force qu’il ne s’agit plus simplement de reconnaissance mais de la vie de et de la survie d’une proposition.
Pour Mélanie Perrier, les modes de représentation habituels de l’œuvre dansée, ceux soutenus et promus par les institutions culturelles, sont trop restreints et ne garantissent pas sa bonne transmission. Aux yeux de Loïc Touzé, ce n’est pas parce que de nouveaux lieux de représentation voient le jour que les publics se diversifient et que les œuvres sont mieux vues. En effet, comme l’a démontré Téodoro Gilabert [3], l’accessibilité physique à un lieu culturel et à une œuvre ne garantit en rien son accessibilité intellectuelle. Mélanie Perrier évoque d’autres formes de transmission de l’œuvre, en dehors de la traditionnelle confrontation entre les danseurs et le public. Elle a notamment évoqué l’idée d’un atelier : selon elle, c’est aussi dans le processus de transmission que le chorégraphe fait œuvre, lorsqu’il fait en sorte qu’une création se comprend et se vit.
Ainsi les intervenants ont fait émerger l’idée d’une définition en construction de l’œuvre ; danseurs et chorégraphes expérimentent au quotidien cette conception mouvante et en décalent les frontières par leur pratique.
[2] POUILLAUDE Frédéric, Le désœuvrement chorégraphique. Etude sur la notion d’œuvre en danse, Paris, Vrin, 2009.
[3] GILABERT Teodoro « La géographie et l’analyse des politiques de diffusion de l’art contemporain en France», in Sociologie de l’Art, 2/2006, OPuS 9 & 10, p. 161-178.
Nous avons été interpellés par quelques unes de vos remarques, telles qu’elles nous sont parvenues au gré des entretiens que vous avez menés ici et là dans notre étonnant monde de la culture.
Nous sommes auteurs, chorégraphes plus précisément, et il semblerait que nous n’envisagions pas les choses de la même façon. Ainsi, nous avons été surpris par votre choix d’utiliser le mot « contenu » à la place de celui « d’œuvre ». En ce qui nous concerne, nous considérons que nous ne produisons pas du « contenu », mais des chorégraphies, donc des œuvres. Cela ne les empêche pas d’avoir du contenu, mais ce n’est pas le geste premier.
En tant qu’auteurs, chorégraphes, nous sommes des artistes et comme vous le savez, c’est un genre un peu particulier.
L’artiste n’est que fort rarement là où on l’attend, son côté frondeur n’est pas à négliger et sa capacité à observer le monde de manière décalée est constituante de sa nature. Ceci entraîne un rapport au public assez particulier.
Vous avez raison de dire que si l’on considère le « public » comme une entité et l’art comme un « produit », il est logique de trouver les moyens que les deux communiquent.
Mais si cela vaut pour des marchandises, il y a fort à parier que cela n’ait aucun sens et soit même un fameux contresens en ce qui concerne les œuvres, qui ne sont pas des produits, donc ne répondent pas aux normes mercantiles usuelles. La loi du marché ne peut servir de point de départ pour un artiste qui ne va pas rapporter de monnaie sonnante et trébuchante, à l’exception de quelques-uns qui ne représentent pas la majorité du vivier créateur de notre contrée artistique.
Ce qu’apporte l’artiste, c’est une part de rêve, un autre regard, un engagement citoyen qui se mène lors d’actions de partages d’expériences. Bref, tout cela ne se mesure pas en terme de rentabilité.
Le public, quant à lui, n’est pas un groupe constitué, mais il est composé de personnes distinctes, ce qui veut dire que les œuvres s’adressent à chacun dans sa singularité, avec l’idée en arrière fond, qu’il est certain que l’on ne peut « plaire » à tout le monde et qu’il y a mille raisons à cela et que ces raisons n’appartiennent pas à l’auteur, à l’artiste.
L’idée de partir des usages des consommateurs est contraire à un principe artistique. Les fameux algorithmes de recommandation ne peuvent fonctionner en ce qui concerne la création, les artistes, les œuvres. Ce serait les réduire à de simples objets de consommation, ce qui serait contraire à leur nature.
Un artiste, une œuvre, un créateur, ouvrent des portes, posent des questions, interrogent le monde, l’espace, le temps. L’impertinence est leur fond de commerce.
Bien sûr en ces temps troublés, il est grand temps de réfléchir à comment mettre en valeur le travail des artistes, le temps de création des œuvres, la solidarité interprofessionnelle. Il est grand temps de réfléchir à comment un créateur, un auteur, un artiste peuvent jouer un rôle actif, reconnu dans la société, plutôt que de les laisser œuvrer dans l’ombre et les difficultés. La reconnaissance de l’artiste au travail serait très profitable pour une société, car toutes les personnes qui composent le « public » ont besoin d’un espace ouvert, questionnant, intriguant, stupéfiant, réjouissant.
En attendant que ce rêve se réalise, nous nous permettons de vous inviter à notre débat «Qu’est-ce qu’une œuvre ?» que nous mènerons le 26 novembre à micadanses, 20 rue Geoffroy l’Asnier à Paris, de 14h30 à 17h30.
Veuillez recevoir, Madame la Ministre, l’expression de notre profond respect.
Avec le départ de Stéphanie Aubin du Manège de Reims, nous constatons que la seule chorégraphe dirigeant une Scène Nationale jette l’éponge.
C’est une femme chorégraphe de moins à la tête d’un équipement culturel !
Il est vrai, qu’au fil des années, de nombreuses femmes chorégraphes se virent confier la direction de Centres Chorégraphiques Nationaux ou du Centre National de Danse Contemporaine d’Angers. Citons: Anne-Marie Reynaud, Joëlle Bouvier (avec Régis Obadia) Carolyn Carlson, Régine Chopinot, Karine Saporta, Maguy Marin, Maryse Delente, Catherine Diverres (avec Bernardo Montet), Dominique Hervieu (avec José Montalvo), Mathilde Monnier, Odile Duboc, Emmanuelle Huynh, Marie-Claude Pietragalla…
Sans oublier Brigitte Lefèvre qui fut à la tête d’une sorte de préfiguration des CCN à La Rochelle. Directrice de la Danse à l’Opéra elle est remplacée depuis cette année…par un homme!
Mais, de nos jours, sur les 19 Centres Chorégraphiques Nationaux, il ne reste que 3 directrices : Emmanuelle Vo-Dinh et Hela Fatoumi (avec Eric Lamoureux), Joanne Leighton (sur le départ)…
Seuls, les Centres de Développement Chorégraphique gardent encore un petit semblant de parité !
En effet, d’une manière plus large, les chiffres* parlent d’eux-mêmes, et force est de constater que le compte n’est pas bon:
* En 2013, 26% des entreprises culturelles seulement sont dirigées par une femme;
* 37% de Femmes sont aux postes d’encadrement supérieur pour les Arts de la scène;
* 16% seulement pour la musique;
* 28% d’auteures à la SACD;
* 24% pour la direction des scènes nationales;
* 39 % dans l’ensemble des jurys de sélection mais seulement 15 % sont des femmes à la présidence de ces jurys.
Au jour d’aujourd’hui, les femmes seraient-elles subitement devenues moins créatives ?
Ne serions-nous pas plutôt en train d’évoluer vers un monde de plus en plus misogyne, machiste ?
Le syndicat Chorégraphes Associés s’inquiète de la disparité qui s’installe dans le monde de la danse et demande la parité non seulement dans les prochains jurys de sélection pour la direction des entreprises culturelles, mais également dans les conseils d’administration de ces établissements.
Et pose la question suivante : la relance d’une loi sur la création permettra-t-elle, enfin, l’instauration d’un réel équilibre hommes / femmes ?
Vive la présence des chorégraphes et la parité homme / femme dans les différents lieux du spectacle vivant !
Sources :Observatoire de l’égalité hommes-femmes dans la culture et la communication – 2013 SACD :Répartition femme/homme chez les auteurs de la SACD
Quelle reconnaissance de l’auteur dans les créations en lien avec des amateurs ?
Rencontre en partenariat avec Natacha Paquignon, le Synavi et Chorégraphes Associés à Toï toï le Zinc à Villeurbane.
Modératrice : Micheline Lelièvre, Chorégraphes Associés
Après l’accueil de Natacha Paquignon (Cie Kat’chaça, Toï Toï Le Zinc, Synavi Rhône-Alpes), Jean-Christophe Bleton (co-président de Chorégraphes Associés) présente le syndicat, ses diverses missions et ses derniers et prochains rendez-vous.
Un tour de table s’engage pour que chacun puisse dire depuis quel endroit il parle.
– Werner Moron (Paracommand’art), plasticien, producteur, créateur d’un lieu et créateur de contextes, qui s’est très vite posé la question du public, dans la mesure où il ne souhaitait pas être dans le circuit « consanguin » des galeries : comment faire venir le public et s’adresser à lui, la porte des galeries n’étant franchie que par un public très réduit.
– Gilles Malatray (Desartsonnants) promeneur écoutant, il fait partie d’un collectif qui creuse la question des paysages sonores.
– Bruno Paternot (journaliste d’Inferno Magazine), spécialiste de la danse
– Gérard Dossin Sanou (stagiaire dans la Cie Kat’chaça), danseur du Burkina Faso
– Anita Mauro (Cie Kat’chaça) danseuse et chorégraphe également
– Sathya Flory (Cie Kat’chaça & Association TaTaToom (association en charge du projet artistique et culturel de Toï Toï Le Zinc), chargée de production
– Valérie Zipper (Cie du Chien Jaune), metteur en scène de théâtre, souligne que les gens des arts de la rue ont une réflexion plus juste sur les publics que les lieux qui font de la médiation.
– Marcelo Sepulveda (Cie Tramaluna), chorégraphe pour différents publics
– Muriel Guyon (L’autre Chemin), chargée de production pour deux compagnies de théâtre, salariée du Synavi (spécialiste des questions juridiques).
– Alice Charmont, chargé de production de la Cie Zéotrope, compagnie de théâtre
– Jean-Christophe Bleton ( Cie Les Orpailleurs) et Isabelle Magnin (Cie Grand Bal), chorégraphes et membres de Chorégraphes Associés
Micheline Lelièvre rappelle le contexte de la rencontre : le billet d’humeur publié sur le site de SCA, lu par Natacha qui a contacté le syndicat et a organisé la rencontre.
1/ Pourquoi avez-vous choisi, ou non, de travailler avec des amateurs ?
Une première précision se fait, sur le fait que l’on ne parle pas des ateliers avec des amateurs, mais de leur implication dans une création.
– Natacha évoque son envie d’impliquer des amateurs/non-professionnels dans un parcours de création, avec différentes modalités d’engagement (de la rencontre- discussion à l’interprétation) depuis le début de la création de sa compagnie. C’est une manière d’aller à la rencontre de personnes très différentes, d’occuper des espaces pas nécessairement dédiés au spectacle, provoquer des rencontres fortuites entre des personnes et un processus de création artistique. Et de nourrir son propre travail de création par la confrontation des points de vue.
– Pour Werner également, il y a une notion de partage et le désir de rencontrer un public. Pour cela il évoque quelques expériences radicales qu’il a menées et qui renvoient à l’idée de se mettre en danger (expérience dans les années 90 : 5 jours-5 nuits installé dans un endroit d’une ville à la rencontre des passants). (Du coup, quelque part) Alors il devient aussi amateur en allant ainsi vers un inconnu. Il n’aime pas le terme amateur, il lui préfère le terme de collègues, les amateurs étant des partenaires dans le travail le temps d’un projet. Il propose de ré-inventer des mots qui ressemblent à ce que nous souhaitons, plutôt que d’utiliser un vocabulaire institutionnel.
– Gilles Malatray reprend cette idée : il pense aussi que le mot amateur pose problème dans la mesure où, si l’on travaille dans la transdisciplinarité par exemple, on peut se trouver avec des personnes plus performantes que soi. Il se pose la question de savoir s’il travaille avec des amateurs.
– Le journaliste Bruno Paternot pense que cette question de l’amateur ne devrait pas préoccuper l’auteur, ce n’est qu’une question juridique. L’auteur travaille avec des humains avant tout. Le professionnel serait celui qui rend public, l’amateur celui qui a décidé de ne pas en faire son métier et œuvre donc pour lui.
– Gérard Sanou remarque qu’au Burkina, où travailler dans l’art n’est pas bien perçu, intégrer la population dans des projets permet de faire comprendre qu’il s’agit bien d’un travail et qu’il n’est pas facile. C’est un moyen de sensibiliser le public en l’incluant dans des projets.
– Anita Mauro regrette que l’on n’utilise pas le terme de pédagogie, dans le sens où
elle pense que son objectif est d’amener les gens à trouver leur danse. Elle trouve que le travail avec des amateurs lui permet d’avoir de nombreux miroirs qui lui renvoient beaucoup d’informations nourrissantes.
– Valérie Zipper rappelle que ce sont aussi les circonstances qui amènent à travailler avec des amateurs, par exemple en cas de commande pour des projets impliquant beaucoup de monde, et pas assez d’argent, c’est une solution possible. Elle aime cette relation aux amateurs, à la fois, étonnante et déroutante. Elle apprécie la facilité des relations avec eux. Par contre, elle déplore la tendance actuelle des institutions (celles qui financent les projets) d’aller chercher des publics qui n’ont rien demandé. Elle trouve qu’apporter la culture à des personnes qui n’ont rien demandé est discutable et limite. On peut avoir des surprises, dans les deux sens …
Elle souligne que la difficulté c’est la reconnaissance de ce travail avec les amateurs. Il n’y en a pas, et là c’est une vraie question.
– Marcelo Marcello revient aussi sur le terme d’amateur, il lui préfère le terme espagnol d’«aficionados», qui évoque plus une idée de passion. Son utopie est de partager la danse avec le plus de monde possible, de tout univers. Il pense que travailler avec des non-professionnels, c’est une rencontre, qu’il apprend quelque chose d’eux. Cette rencontre lui permet de s’adapter à la personne en face de lui, et c’est un processus créatif. Il déplore également l’instrumentalisation de l’institution qui veut mettre des rustines à des endroits sensibles.
Tous évoquent le danger de devenir pompier social.
– Muriel apprécie le travail avec les amateurs pour les qualités qu’ils dégagent, leur qualité de présence particulière. Quoique reconnaissant le danger de l’artiste pompier social, elle soulève l’idée que tout en reconnaissant que l’on n’a pas le même objectif qu’un travailleur social, on pourrait trouver un partenariat intéressant. C’est une question qu’elle ouvre…
– Natacha évoque ses expériences réussies avec un centre de formation professionnelle, Tremplin ANEPA, qui met en place des parcours d’insertion professionnelle qui intègrent un volet de création professionnelle. La frontière entre les postes de pédagogues (dévolus au centre de formation) et le rôle de chorégraphe est bien définie. Cette répartition claire de la place de chacun est la clé de la réussite de ces projets.
– Jean Christophe parle de sa formation qui l’a amené très vite à travailler en relation avec des publics amateurs. Il remarque que dans cette relation, on rend les gens autonomes, et que finalement,c’est dangereux pour l’institution. Il pense qu’il remplit son rôle de citoyen en partageant son art avec divers publics.
– Isabelle explique que sa parade vis à vis de l’institution est de servir le discours attendu et de faire son travail à son idée ensuite. Son désir et son projet sont d’aller à la recherche de l’être dansant dans tous ses états.
– Micheline rappelle que son texte concerne la co-création avec un créateur amateur et l’autre professionnel. Quelques exemples sont évoqués par les uns et les autres de ce cas de figure. Cela met en relief la question du risque inhérent au parcours professionnel. Ce qui n’est pas le cas pour le créateur amateur. La question n’est pas de nier le fait que ces créateurs soient des artistes, mais de prendre la mesure de l’engagement différent qui fait que le créateur amateur ne perçoit pas forcément l’endroit où se trouve notre travail de professionnels.
2/ Comment alors faire reconnaître notre métier ?
Par antinomie, Werner rappelle que les Punks étaient au départ des amateurs, qu’ils ont bousculé le monde….
Il reste que ce sont les artistes professionnels qui prennent des risques, qui se posent des questions pour faire avancer les réflexions, l’art….
La question qui est au cœur des préoccupations reste celle de la reconnaissance, mais quelle reconnaissance ? Sortir des cases de l’institution qui voudrait nous mettre dans celles de la médiation.
A la fois, on nous sollicite pour intervenir parce que nous avons des compétences et en même temps, on nous dénie notre rôle de créateur en nous refusant des résidences, des programmations….
Il ressort qu’il ne faudrait pas attendre que l’institution nous reconnaisse. Il faut se situer sur le terrain de l’utopie, élaborer un discours qui passe par l’action, pour ne par perdre l’envie de faire danser le monde.
Nous manquons d’outils théoriques et juridiques pour aller batailler. Alors il nous faudrait recréer de nouveaux cadres conceptuels pour réinventer notre environnement.
Chorégraphes Associés souhaite être un support pour créer les lieux de réflexions pour aller de l’avant en fédérant les chorégraphes et en créant des endroits de rencontre.
– Le Synavi propose un lien avec les autres arts, eux aussi concernés de plus en plus par cette question de la création avec des amateurs/non-professionnels.
3/ Questions juridiques et financières qui se posent lorsque l’on emploie des amateurs.
Chaque projet est unique. Dans certains cas, la solution la plus raisonnable semble celle de verser un salaire, même minime, lorsque les amateurs se produisent sur scène.
Néanmoins, il faudrait creuser cette question avec des spécialistes.
A suivre donc……
Nous sommes auteurs, nous l’affirmons, mais à quel endroit se trouve l’œuvre?
Nous nous poserons cette question de différents points de vue:
– Produisons-nous des œuvres ou bien œuvrons-nous et c’est là que nous serions auteur?
– Qui détermine qu’il y a œuvre? Nous, l’auteur? Le public? Le programmateur?
– Et si l’œuvre n’était pas là où on la cherche? Peut-on être auteur, sans œuvre?
– Une œuvre est-elle liée à une production, à un produire? Et si oui qu’est-ce qui est produit?
Nos invités répondront, chacun à leur manière, au travers leurs expériences, leurs parcours à ces diverses interrogations ou en ouvriront d’autres…
• 10h00 – 13h00 •
Le matin est consacré à un moment de partage d’écritures chorégraphiques avec trois invités.
Pensez à prendre des tenues confortables puisque c’est un moment de pratique !
L’après-midi permettra de débattre avec nos invités sur la question du jour.
table ronde/débat : Qu’est-ce qu’une œuvre ?
Invités
– Mélanie Perrier, chorégraphe
– Loïc Touzé, chorégraphe
– Jean Marc Piquemal, danseur/notateur
– Fred Guzda, artiste/auteur/philosophe
Quelques repères sur nos invités :
Après une décennie où elle articule gestes et vidéo, Mélanie Perrier se déplace définitivement de la performance vers la chorégraphie. Et mène depuis au sein de sa compagnie 2minimum une recherche autour du modelage du mouvement et de l’articulation que celui-ci entretient avec l’image en affirmant une radicalité à partir de la figure du duo. Parallèlement elle crée en 2005 le laboratoire du geste, lieu de recherches autour des esthétiques du geste et des protocoles artistiques en jeu dans les formes performatives contemporaines.
Javier Castello, installé en France depuis 1992, danseur, chorégraphe, enseigne le Tango Argentin. Initié dès son enfance par son grand-père, formé par les grands maîtres de Buenos Aires, il représente le lien entre toutes les générations du Tango, tradition et modernité, tant dans le domaine chorégraphique que musical.
Malgven Gerbes, chorégraphe, après des études d’architecture à l’ENSAAMA, Paris, se forme en chorégraphie à Arnhem, Pays Bas. Elle fonde avec David Branstätter la compagnie SHIFTS – art in movement établie entre Berlin et la Haute-Normandie.
Jean Marc Piquemal, danseur chorégraphe, est aussi notateur en cinétographie Laban et praticien en Body-Mind Centering
Fred Guzda, ancien élève des Beaux-Arts de Paris, est actuellement doctorant en esthétique à Paris1 Panthéon-Sorbonne. Ses recherches portent sur la question de l’autorité paradoxale de l’artiste à l’égard de ses propres œuvres).
Ces dernières années, Loïc Touzé crée, entres autres, Morceau, LOVE, La Chance, Ô MONTAGNE et co-dirige avec Yvane Chapuis et François Piron les Laboratoires d’Aubervilliers de 2001 à 2006. Depuis 2010, il partage avec Mathieu Bouvier une recherche sur la figure en danse. La conception du projet Autour de la table avec Anne Kerzerho et l’invention collégiale du lieu Honolulu à Nantes participent de l’augmentation d’une culture chorégraphique et d’un imaginaire dans un désir de porosité et d’échanges.
Le syndicat Chorégraphes Associésapprend avec une grande tristesse la disparition de deux membres importants du monde de la danse: Carlotta Ikéda, grande dame du butô, installée en France depuis longtemps et Gérard Violette, qui a soutenu la danse avec conviction dans ses programmations du Théâtre de la ville.
Ce sont deux personnalités du milieu artistique qui s’éteignent. Le syndicat Chorégraphes Associés rend hommage à leur formidable parcours dans le monde chorégraphique.
Français, ne mangez plus de croissants*, leur origine est orientale !
Lors d’une fête des associations, Marc-Etienne Lansade, le maire FN de Cogolin* dans le Var a fait interdire un spectacle de danse orientale en justifiant son acte par cette phrase : « On est en Provence, pas en Orient » avant de poursuivre : « S’ils veulent vivre comme en Orient, les frontières sont ouvertes. » Triste époque que celle où certains élus de la République agitent le spectre de l’étranger pour faire passer des messages xénophobes !
En effet, le Front National continue de nuancer son discours raciste en l’orientant vers des restrictions budgétaires pour les associations ou vers des formes de censure des oeuvres artistiques : une œuvre murée par-ci, une autre repeinte en bleu par là, maintenant un spectacle interdit….
La danse, comme la plupart des disciplines artistiques, est un langage universel. Les danseurs de hip-hop reconnaissent une part de leur gestuelle dans la danse indienne; la capoeira brésilienne ressemble à s’y méprendre à certaines danses de combats venues d’Asie. L’art de la danse ne reconnaît aucune frontière.
Le syndicat Chorégraphes Associés regroupe toutes les esthétiques chorégraphiques. Il est attentif à l’expression de la diversité. Il s’élève avec vigueur contre toutes les formes de censure en particulier lorsqu’elles stigmatisent une population. Les Chorégraphes Associés s’invitent les habitants de Cogolin et l’ensemble des habitants
de la Provence à manifester en dansant partout et à pratiquer toutes les danses afin de faire reculer la peur des autres.
* Le croissant serait né à Vienne lors de l’invasion des troupes ottomanes
** Cogolin est une toute petite commune du sud-est de la France, l’Orient de la
Provence…
Débat et Rencontre à Lyon pendant la Biennale de la Danse
• 14h00 •
Accueil à Toï Toï Le Zinc, salle de spectacle à Villeurbanne
• 14h30 •
Rencontre – débat avec Chorégraphes Associés et le Synavi Rhône-Alpes
Quelle reconnaissance de l’auteur dans les créations en lien avec des amateurs ?
La création qui engage un artiste professionnel et un ou plusieurs artistes amateurs revêt des formes diverses. De la création partagée avec un groupe d’amateurs dirigés par un chorégraphe professionnel à des œuvres co-signées entre amateur et professionnel, comment affirmer la place de l’auteur dans ces créations?
Avec la participation de chorégraphes impliqués dans la création avec des amateurs.
Rencontre co-organisée avec Chorégraphes Associés(syndicat d’auteurs) et le Synavi Rhône-Alpes (syndicat de structures artistiques indépendantes). • 17h30 •
Projection vidéo en lien avec la rencontre, présentation
d’œuvres partagées entre auteurs professionnels et amateurs.
La rencontre s’organise en trois parties :
– Nos pratiques de création avec des amateurs
– Réflexion sur le professionnel et l’amateur :
Quel engagement dans la société, la vie, le travail ?
– Les droits du travail des amateurs
Pour préparer au mieux cette rencontre, voici les points qui seront questionnés:
1/ Nos pratiques de création avec des amateurs
– Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec des amateurs / non professionnels ?
– Dans quel(s) contexte(s) travaillez-vous avec eux ?
– Quelle démarche de création adoptez-vous ? (co-création, direction d’une création interprétée par des amateurs…)
– Par quel(s) dispositif(s) ce travail est-il financé ?
– Comment définiriez-vous votre rôle ?
2/ Réflexion sur la position du créateur professionnel et de l’artiste amateur
– Amateur ? Professionnel ? Quel engagement dans la société, la vie, le travail ?
– Travailler avec des amateurs : quelles relations, qualités, expertise, sont mises en jeu ? Quels sont les temps forts et les difficultés dans cette relation ?
– Quelles propositions pourriez-vous faire pour que votre place d’auteur soit reconnue dans ce travail de création avec des amateurs ? Comment rendre perceptible la notion de travail d’un artiste?
– Dans quel cadre sont présentées les créations avec les amateurs ? Combien de représentations faites-vous ? Ces créations sont-elles visibles au-delà du temps de représentation ?
3/ les droits du travail des amateurs?
Un point s’impose sur les problème juridiques que cela pose et comment les résoudre.